C’est un fait ! Rien ne se passe jamais comme prévu. Même les plus belles réussites cachent souvent des moments d’échecs cuisants et de remise en question !
L’innovation est nécessaire à la survie des entreprises. Pour autant encore bon nombre d’entre elles hésitent à explorer de nouvelles idées par peur de l’échec.
En plus de la perte nette des investissements encourus, l’échec fait naître un sentiment de honte, pensant que le marché perdra toute confiance en la marque et ses produits. Pire, en plus du constat d’échec il faut encore faire amende honorable et accepter les injonctions d’experts qui viennent nous expliquer nos erreurs pendant les phases sensibles de prise de décision.
La peur de l’échec est tellement présente que les succès sont encore trop souvent exprimés par des récits édifiants et fantasmés. On y retrouve le mythe de l’entrepreneur schumpétérien qui a su manœuvrer avec habileté entre une technologie inexploitée et un marché non préparé. Sa réussite était écrite, tout était anticipé alors même qu’il imaginait le produit dans le garage de ses parents !
Il ne faut pas se leurrer, toute entreprise est passée, passe ou passera inévitablement par une phase d’échec et de remise en question profonde, et particulièrement dans les étapes d’innovation. Les obstacles sont nombreux, et encore plus pour les petites et moyennes entreprises.
Si vous leur posez directement la question les entrepreneurs vous le diront : l’échec est indispensable à toute réussite !
Mais alors comment faire pour réussir malgré nos échecs ?
Dépasser sa peur de l’échec
Dans les processus d’innovation, en particulier ceux qui découlent de démarches de créativité, il est attendu de transformer ses idées en actions concrètes. Et pour cela, il faut expérimenter. C’est un peu comme si l’on voulait se lancer dans une nouvelle pratique, physique ou sportive, qui nécessite d’oser et de prendre des risques… comme celle d’apprendre à faire du vélo ou à skier. Impossible d’y arriver du premier coup, c’est-à-dire sans essayer, donc sans tomber !
L’échec doit être vu comme l’absence du résultat attendu à un instant donné ; sans remettre en question ce que nous sommes ou ce que nous valons (en tant qu’individu ou entreprise). Un échec ne doit certainement pas présumer de notre capacité à y parvenir dans le futur. Au contraire, il est l’occasion de mesurer ses lacunes, mais également de mobiliser de nouvelles ressources.
En nous obligeant à prendre du recul sur la situation, l’échec nous apprend à faire mieux ! Pour cela, il est impératif d’acter et d’analyser nos échecs. Ce n’est qu’en remettant l’échec dans son contexte et en cherchant à en comprendre les raisons que nous pourrons trouver les solutions pour rebondir et en faire quelque chose de positif.
Malheureusement, l’éducation à la française reste dans une culture de la réussite. Elle n’encourage pas à intégrer l’échec dans le management de projet mais force à l’oublier pour repartir d’une page blanche. Pourtant les échecs productifs sont bel et bien ceux qui sont analysés progressivement et régulièrement. C’est la seule manière d’améliorer notre capacité à innover !
L’échec nous apprend à faire mieux !
Parler régulièrement des ses échecs, les décrire avec ses collaborateurs, collègues et autres personnes, est la manière la plus efficace pour trouver de bonnes idées qui permettront de transformer ces déconvenues en de nouvelles opportunités de réussite.
Enfin, il faut considérer que l’échec ne marque pas la fin d’une histoire mais le commencement d’un processus de réinvention. Le fait d’échouer implique de trouver de nouveaux moyens, de nouvelles solutions.
Dans une stratégie de croissance par l’innovation, il est donc indispensable de créer une culture d’entreprise où l’erreur est considérée comme une étape du cheminement créatif.
Surpasser l’échec grâce à sa vision
Le constat d’échec ne doit pas amener systématiquement à reconsidérer la vision, bien au contraire… L’état futur imaginé pour l’entreprise et son environnement doit servir de guide et de moteur pour avancer et persévérer.
La vision aide l’organisation à rester concentrée sur les grands enjeux qu’elle se donne. Elle se dote alors d’outils d’évaluation qui servent à analyser ce qui n’a pas fonctionné et à trouver les changements nécessaires pour améliorer les chances de succès à l’avenir. De cette façon, les échecs se transforment en opportunités de croissance et d’amélioration.
Se réinventer oui ! Mais sans jamais perdre de vue le cap à atteindre : défini par la vision de l’entreprise et la mission qu’elle se donne.
Les entrepreneurs qui réussissent sont ceux qui arrivent à passer outre les cascades d’échecs, convaincus du bien fondé de leur vision et de leur proposition de valeur vis-à-vis du marché.
Nous retrouvons bon nombre d’exemples de vision. Pour les plus connues : “créer un meilleur quotidien pour le plus grand nombre”, “accélérer la transition du monde vers une énergie durable” ou encore “le style ne doit pas coûter cher”, “diffuser les idées” ! La réussite d’Apple tient dans sa persévérance à “fabriquer les meilleurs produits au monde et laisser le monde meilleur que nous ne l’avons trouvé”. C’est bien grâce à cet énoncé que les échecs de la marque (et il y en a !) ont servi à développer les produits que nous connaissons aujourd’hui.
Lorsque l’on parle d’innovation, il faut garder en tête que la vision oriente la stratégie produit et sa communication dans l’entreprise. Elle fixe le cap, donne du sens et, en étant partagée par toutes les parties prenantes, elle aide les équipes à faire les bons choix quant aux pistes à explorer et/ou à améliorer.
Devancer le manque de ressources en cas d’échec
Selon le secteur ou la taille de l’entreprise, plusieurs obstacles peuvent mettre en échec un projet de R&D ou d’innovation.
D’après une étude de 2020, “les obstacles non-technologiques à l’innovation ont bien plus de poids que les obstacles technologiques”. Parmi eux se trouve l’aspect financier, le manque de personnel qualifié ou encore la perception d’inutilité de l’innovation.
Face à ses freins comment investir et réinvestir dans un climat d’échec pour aller trouver la réussite ? Comment capter les bonnes ressources et les renouveler ?
Réponse 1 : Bien combiner les compétences
Pour qu’une innovation fonctionne et donc pour diminuer les risques d’échec, l’expertise technique à elle seule ne suffit pas. Il est nécessaire d’instaurer un échange avec les commerciaux, les utilisateurs et les distributeurs. Cela va permettre d’obtenir des retours d’expérience quant à l’utilisation et l’utilité du produit, mais aussi de développer et d’ajuster les arguments de vente. De nombreux experts en management de l’innovation affirment que “combiner de manière efficace des compétences de natures différentes” est une des clés pour limiter l’échec.
Réponse 2 : faire de l’échec frugal
C’est-à-dire se mettre rapidement, avec le moins de ressources possibles, en situation d’échec. Si vous accélérez les phases d’échec pour en apprendre le plus possible, le risque d’arriver à l’échec ultime – qui arrive alors que toutes les ressources sont consommées – diminuera drastiquement.
La méthode en test and learn s’y prête parfaitement. Il s’agit de mettre en œuvre des chantiers -Test- ayant pour but de valider le déploiement d’un projet de plus grande envergure, en s’appuyant sur les retours d’expérience (des clients et des opérationnels), et des chantiers -Learn- pour identifier, corriger et optimiser les lacunes et capitaliser sur les premières réussites. D’autres méthodes existent comme le fail fast (échec accéléré) pour identifier rapidement les problèmes et axes d’amélioration, ou le fail cheap (échec à bas coûts) pour encourager les essais tout en maîtrisant les budgets.
Réponse 3 : trouver des sources de financement
Le problème est un manque de visibilité sur le coût global du projet avant ROI. Il est toujours possible d’imaginer des budgets mais l’innovation reste une source d’incertitude forte qui rend opaque toute prévision. Toute raison gardée il s’agit alors de puiser dans l’ensemble des ressources accessibles (capital, dette et aides publiques).
Les financements publics pour l’innovation sont justement là pour amortir le risque projet et les échecs répétés avant la mise sur le marché. Ils offrent aux entreprises le temps d’itérer avant la véritable pénétration de marché. Par ailleurs, les financements publics ont un effet structurant : le montage d’un dossier vous permettra de balayer toutes les facettes de votre innovation et ainsi de voir les aspects solides et ceux qui restent à mûrir.
N’oubliez pas : il est plus facile de trouver des fonds quand vous en avez… Il ne faut pas attendre d’être dans le rouge pour rechercher de l’argent !
Conclusion
Vous l’aurez compris, le management de l’échec est LE sujet pour réussir son innovation. Pour y parvenir les quatre conseils à vous donner :
- Faire de l’échec une opportunité d’apprentissage et non de découragement,
- Bien structurer sa vision pour laisser évoluer les projets sans risque de « fausse route »,
- Associer à l’équipe projet tous les intervenants (techniques, commerciaux, mais aussi les distributeurs et les utilisateurs),
- Organisez vos ressources en mode marathon.
Enfin, posons-nous la question… Ces obstacles insurmontables que l’innovation semble avoir sont-ils issus de la peur de l’échec ou de la peur de la réussite ? Peur de ne pas y arriver ou peur du changement ? Sentiment de honte face à l’échec ou de culpabilité de ne pas mériter un vrai succès ?
Pour aller plus loin
« The pursuit of Standard Operating Innovation », Sparksgrove (2015) ;
« Les obstacles à l’innovation en France : analyse et recommandations », Victor dos Santos Paulino, Najoua Tahri, dans Management & Avenir 2014/3 (N° 69) (2019) ;
« Innovation : osons échouer ! » Chloé Marechal, chef de projet IT/MOA chez Square (2020) ;
« Il faut échouer pour innover ! » Jean-Charles Cailliez (2020) ;
« 6 échecs historiques que tout entrepreneur doit avoir en tête » Capital.fr (2017) ;
« A quoi tient le succès des innovations ? 1 : L’art de l’intéressement; 2 : Le choix des porte-parole » Madeleine Akrich, Michel Callon, Bruno Latour (1988) ;
« L’innovation : Type d’actions, motivations et freins », André Letowski, Fondation MMA (2020)