R&D

Innovation : savoir surpasser l’échec pour réussir

C’est un fait ! Rien ne se passe jamais comme prévu. Même les plus belles réussites cachent souvent des moments d’échecs cuisants et de remise en question !

 

L’innovation est nécessaire à la survie des entreprises. Pour autant encore bon nombre d’entre elles hésitent à explorer de nouvelles idées par peur de l’échec.

En plus de la perte nette des investissements encourus, l’échec fait naître un sentiment de honte, pensant que le marché perdra toute confiance en la marque et ses produits. Pire, en plus du constat d’échec il faut encore faire amende honorable et accepter les injonctions d’experts qui viennent nous expliquer nos erreurs pendant les phases sensibles de prise de décision.

La peur de l’échec est tellement présente que les succès sont encore trop souvent exprimés par des récits édifiants et fantasmés. On y retrouve le mythe de l’entrepreneur schumpétérien qui a su manœuvrer avec habileté entre une technologie inexploitée et un marché non préparé. Sa réussite était écrite, tout était anticipé alors même qu’il imaginait le produit dans le garage de ses parents !

Il ne faut pas se leurrer, toute entreprise est passée, passe ou passera inévitablement par une phase d’échec et de remise en question profonde, et particulièrement dans les étapes d’innovation. Les obstacles sont nombreux, et encore plus pour les petites et moyennes entreprises.

Si vous leur posez directement la question les entrepreneurs vous le diront : l’échec est indispensable à toute réussite !

Mais alors comment faire pour réussir malgré nos échecs ?

 

Dépasser sa peur de l’échec

Dans les processus d’innovation, en particulier ceux qui découlent de démarches de créativité, il est attendu de transformer ses idées en actions concrètes. Et pour cela, il faut expérimenter. C’est un peu comme si l’on voulait se lancer dans une nouvelle pratique, physique ou sportive, qui nécessite d’oser et de prendre des risques… comme celle d’apprendre à faire du vélo ou à skier. Impossible d’y arriver du premier coup, c’est-à-dire sans essayer, donc sans tomber !

L’échec doit être vu comme l’absence du résultat attendu à un instant donné ; sans remettre en question ce que nous sommes ou ce que nous valons (en tant qu’individu ou entreprise). Un échec ne doit certainement pas présumer de notre capacité à y parvenir dans le futur. Au contraire, il est l’occasion de mesurer ses lacunes, mais également de mobiliser de nouvelles ressources.

En nous obligeant à prendre du recul sur la situation, l’échec nous apprend à faire mieux ! Pour cela, il est impératif d’acter et d’analyser nos échecs. Ce n’est qu’en remettant l’échec dans son contexte et en cherchant à en comprendre les raisons que nous pourrons trouver les solutions pour rebondir et en faire quelque chose de positif.

Malheureusement, l’éducation à la française reste dans une culture de la réussite. Elle n’encourage pas à intégrer l’échec dans le management de projet mais force à l’oublier pour repartir d’une page blanche. Pourtant les échecs productifs sont bel et bien ceux qui sont analysés progressivement et régulièrement. C’est la seule manière d’améliorer notre capacité à innover !

L’échec nous apprend à faire mieux !

Parler régulièrement des ses échecs, les décrire avec ses collaborateurs, collègues et autres personnes, est la manière la plus efficace pour trouver de bonnes idées qui permettront de transformer ces déconvenues en de nouvelles opportunités de réussite. 

Enfin, il faut considérer que l’échec ne marque pas la fin d’une histoire mais le commencement d’un processus de réinvention. Le fait d’échouer implique de trouver de nouveaux moyens, de nouvelles solutions. 

Dans une stratégie de croissance par l’innovation, il est donc indispensable de créer une culture d’entreprise où l’erreur est considérée comme une étape du cheminement créatif.

 

Surpasser l’échec grâce à sa vision

Le constat d’échec ne doit pas amener systématiquement à reconsidérer la vision, bien au contraire… L’état futur imaginé pour l’entreprise et son environnement doit servir de guide et de moteur pour avancer et persévérer.

La vision aide l’organisation à rester concentrée sur les grands enjeux qu’elle se donne. Elle se dote alors d’outils d’évaluation qui servent à analyser ce qui n’a pas fonctionné et à trouver les changements nécessaires pour améliorer les chances de succès à l’avenir. De cette façon, les échecs se transforment en opportunités de croissance et d’amélioration.

Se réinventer oui ! Mais sans jamais perdre de vue le cap à atteindre : défini par la vision de l’entreprise et la mission qu’elle se donne.

Les entrepreneurs qui réussissent sont ceux qui arrivent à passer outre les cascades d’échecs, convaincus du bien fondé de leur vision et de leur proposition de valeur vis-à-vis du marché.

Nous retrouvons bon nombre d’exemples de vision. Pour les plus connues : “créer un meilleur quotidien pour le plus grand nombre”, “accélérer la transition du monde vers une énergie durable” ou encore “le style ne doit pas coûter cher”, “diffuser les idées” ! La réussite d’Apple tient dans sa persévérance à “fabriquer les meilleurs produits au monde et laisser le monde meilleur que nous ne l’avons trouvé”. C’est bien grâce à cet énoncé que les échecs de la marque (et il y en a !) ont servi à développer les produits que nous connaissons aujourd’hui.

Lorsque l’on parle d’innovation, il faut garder en tête que la vision oriente la stratégie produit et sa communication dans l’entreprise. Elle fixe le cap, donne du sens et, en étant partagée par toutes les parties prenantes, elle aide les équipes à faire les bons choix quant aux pistes à explorer et/ou à améliorer.

 

Devancer le manque de ressources en cas d’échec

Selon le secteur ou la taille de l’entreprise, plusieurs obstacles peuvent mettre en échec un projet de R&D ou d’innovation.

D’après une étude de 2020, “les obstacles non-technologiques à l’innovation ont bien plus de poids que les obstacles technologiques”. Parmi eux se trouve l’aspect financier, le manque de personnel qualifié ou encore la perception d’inutilité de l’innovation.

Les principales raisons de ne pas innover

Face à ses freins comment investir et réinvestir dans un climat d’échec pour aller trouver la réussite ? Comment capter les bonnes ressources et les renouveler ?

Réponse 1 : Bien combiner les compétences

Pour qu’une innovation fonctionne et donc pour diminuer les risques d’échec, l’expertise technique à elle seule ne suffit pas. Il est nécessaire d’instaurer un échange avec les commerciaux, les utilisateurs et les distributeurs. Cela va permettre d’obtenir des retours d’expérience quant à l’utilisation et l’utilité du produit, mais aussi de développer et d’ajuster les arguments de vente. De nombreux experts en management de l’innovation affirment que “combiner de manière efficace des compétences de natures différentes” est une des clés pour limiter l’échec.

Réponse 2 : faire de l’échec frugal

C’est-à-dire se mettre rapidement, avec le moins de ressources possibles, en situation d’échec. Si vous accélérez les phases d’échec pour en apprendre le plus possible, le risque d’arriver à l’échec ultime – qui arrive alors que toutes les ressources sont consommées – diminuera drastiquement.

La méthode en test and learn s’y prête parfaitement. Il s’agit de mettre en œuvre des chantiers -Test- ayant pour but de valider le déploiement d’un projet de plus grande envergure, en s’appuyant sur les retours d’expérience (des clients et des opérationnels), et des chantiers -Learn- pour identifier, corriger et optimiser les lacunes et capitaliser sur les premières réussites. D’autres méthodes existent comme le fail fast (échec accéléré) pour identifier rapidement les problèmes et axes d’amélioration, ou le fail cheap (échec à bas coûts) pour encourager les essais tout en maîtrisant les budgets.

Réponse 3 : trouver des sources de financement

Le problème est un manque de visibilité sur le coût global du projet avant ROI. Il est toujours possible d’imaginer des budgets mais l’innovation reste une source d’incertitude forte qui rend opaque toute prévision. Toute raison gardée il s’agit alors de puiser dans l’ensemble des ressources accessibles (capital, dette et aides publiques).

Les financements publics pour l’innovation sont justement là pour amortir le risque projet et les échecs répétés avant la mise sur le marché. Ils offrent aux entreprises le temps d’itérer avant la véritable pénétration de marché. Par ailleurs, les financements publics ont un effet structurant : le montage d’un dossier vous permettra de balayer toutes les facettes de votre innovation et ainsi de voir les aspects solides et ceux qui restent à mûrir.
N’oubliez pas : il est plus facile de trouver des fonds quand vous en avez… Il ne faut pas attendre d’être dans le rouge pour rechercher de l’argent !

 

Conclusion

Vous l’aurez compris, le management de l’échec est LE sujet pour réussir son innovation. Pour y parvenir les quatre conseils à vous donner :

  • Faire de l’échec une opportunité d’apprentissage et non de découragement,
  • Bien structurer sa vision pour laisser évoluer les projets sans risque de « fausse route »,
  • Associer à l’équipe projet tous les intervenants (techniques, commerciaux, mais aussi les distributeurs et les utilisateurs),
  • Organisez vos ressources en mode marathon.

Enfin, posons-nous la question… Ces obstacles insurmontables que l’innovation semble avoir sont-ils issus de la peur de l’échec ou de la peur de la réussite ? Peur de ne pas y arriver ou peur du changement ? Sentiment de honte face à l’échec ou de culpabilité de ne pas mériter un vrai succès ?

 


Pour aller plus loin

« The pursuit of Standard Operating Innovation », Sparksgrove (2015) ;

« Les obstacles à l’innovation en France : analyse et recommandations », Victor dos Santos Paulino, Najoua Tahri, dans Management & Avenir 2014/3 (N° 69) (2019) ;

« Innovation : osons échouer ! » Chloé Marechal, chef de projet IT/MOA chez Square (2020) ;

« Il faut échouer pour innover ! » Jean-Charles Cailliez (2020) ;

« 6 échecs historiques que tout entrepreneur doit avoir en tête » Capital.fr (2017) ;

« A quoi tient le succès des innovations ? 1 : L’art de l’intéressement; 2 : Le choix des porte-parole » Madeleine Akrich, Michel Callon, Bruno Latour (1988) ;

« L’innovation : Type d’actions, motivations et freins », André Letowski, Fondation MMA (2020)

Les effets structurants des financements publics

Lorsqu’on pense « financements publics » on pense apport financier pour accélérer le développement d’un projet. Mais saviez-vous que les critères d’accès aux aides publiques permettent également de structurer l’ensemble des fondamentaux de l’activité ? Découvrez les principaux effets structurants des financements publics sur votre activité.

 

Pourquoi un processus innovation ?

Pour beaucoup, l’innovation est une notion qui ne concerne que les entreprises actives dans un domaine technologique. Or, l’innovation est partout et s’applique à tous les niveaux d’une société. 

D’une part, l’innovation peut être définie comme étant un « processus qui conduit à la mise en œuvre d’un ou de plusieurs produits, services, procédés, formes d’organisation, modèles d’affaires, nouveaux ou améliorés, susceptibles de répondre à des attentes implicites ou explicites et de générer une valeur économique, environnementale ou sociétale pour toutes les parties prenantes »(1).

L’innovation n’est donc pas nécessairement définie par la création d’un produit ou d’un service disruptif, mais plus d’un élément nouveau au sein de l’entreprise. Digitaliser des processus internes peut relever de l’innovation par exemple. 

D’autre part, l’innovation, qu’elle soit incrémentale ou de rupture, est une démarche essentielle à toute entreprise ayant pour ambition d’être prise comme référence dans son domaine d’activité, de se démarquer de la concurrence et de maintenir un haut niveau de compétitivité.

L’innovation est alors le fruit d’une démarche globale, collective et structurée.

 

Les principaux axes de structuration de son innovation

  • Assurer une transversalité pour favoriser l’innovation

L’organisation en silos fonctionnels avec ses lignes hiérarchiques ne permet pas de faire vivre ce processus transversal d’innovation. Or il est rare que l’innovation soit seulement le produit du département de R&D

Plus généralement, elle nécessite la coopération interne et même externe avec de nombreux autres acteurs, notamment ceux qui sont au contact des clients comme les commerciaux ou le marketing, la production qui devra produire le futur produit, etc.

Dans un article paru sur fastcompany.com, Ben Schiller explique même que la diversité prise au sens large est bénéfique pour l’innovation et cite une étude qui a montré que les entreprises qui remplissent le plus les exigences de diversité annoncent en moyenne deux nouveaux produits par an, le double d’une entreprise classique.

  • Aligner le processus d’innovation sur sa stratégie d’entreprise

Toutes les entreprises n’ont pas la chance d’avoir à leur tête un “serial innovateur” comme Apple pour conduire un rythme continu d’innovations. Et les solutions trouvées par Google pour afficher l’innovation au quotidien des agendas de ses salariés ne sont pas transposables à d’autres entreprises, surtout en phase d’amorçage.

Se pose rapidement la question de la gouvernance de l’innovation dans les entreprises innovantes. Car l’innovation n’est pas seulement dans la technologie, ni dans les usages, elle doit trouver sa source dans les processus de décision.

Alors que les entreprises sont amenées à réfléchir sur leur raison d’être depuis l’instauration de la loi Pacte, cette vision de sa contribution à la société sera le filtre pour inspirer l’innovation. Parce qu’elle est un puissant levier d’engagement, la raison d’être permettra à toutes les forces de l’entreprise d’aligner leur effort d’innovation au travers d’activités de veille.

  • Améliorer ses processus comptables

L’innovation peut être vue comme un processus long terme nécessitant des intrants et ayant pour finalité la production et la commercialisation d’extrants innovants (2). Le début de l’activité d’innovation est caractérisé par de forts besoins en financement. Se pose alors la question de savoir si la gestion des résultats comptables engagée à ce stade permet d’obtenir des financements externes. De plus, cette rigueur et transparence comptable permettra de répondre à des enjeux d’asymétrie de l’information entre insiders et outsiders (actionnaires, financeurs, etc.).

  • Communiquer

Développer votre communication permet d’augmenter la proximité entre les différents acteurs et de véhiculer une vision commune. Il est idéal de communiquer avec chacune des parties prenantes de votre entreprise ainsi qu’avec les différents écosystèmes présents. Cette communication renforcera aussi une culture d’entreprise forte basée sur l’innovation pour susciter un sentiment d’appartenance à une communauté.

 

 

Comment les financements publics structurent votre activité ? 

Le montage de dossiers demande de respecter un cahier des charges précis. C’est l’occasion d’aborder des aspects fondamentaux qui peuvent vous aider à structurer l’ensemble des processus innovation de votre entreprise, à commencer par vous permettre de bien situer votre projet.

En effet, présenter une innovation spécifique ne suffit pas ! Il faut pouvoir identifier de véritables “points de rupture” économiques et techniques. Le montage d’un dossier permet aux équipes de bien situer leur innovation via une démarche prospective et définir une véritable roadmap pour atteindre les objectifs.

Par ailleurs, l’activité de recherche et de veille technologique et de marché, nécessaire au montage d’un dossier de financement, viendra nourrir la vision d’entreprise et inversement. Cet apport mutuel fera émerger les meilleurs axes de développements d’avenir pour votre entreprise qui trouveront alors une double résonance marché (par les opportunités business) et financière (par le support des institutions publiques).

Ce processus amène également à se questionner sur la cohérence stratégique et financière (ROI, time to market,…). Le coût présenté par le projet innovant doit s’intégrer dans la structure financière de la société. Cela passe notamment par la collaboration entre les services (finance, R&D, RH,…) pour que les projets d’innovation et de développement business de l’entreprise soient en adéquation sur le long terme.

La systématisation de cette vigilance financière essentielle s’intègre à un autre effet structurant amené par les critères des dispositifs de financements publics : la rigueur comptable.

Tout projet nécessite une bonne évaluation comptable. C’est d’autant plus important quand il s’agit d’immobiliser “la valeur de l’innovation”. Il faut donc développer des budgets cohérents. Cela signifie avoir une vision claire des dépenses qui vont être engagées : aussi bien des dépenses de personnel que des frais de sous-traitance, ou de l’achat de matières premières. Globalement, de tout ce qui sera investi et donc amorti. Les montants d’aides étant calculés sur la base d’un budget prédéfini, le montage de dossier constitue une très bonne occasion de gagner en rigueur sur le suivi et la gestion comptable de l’activité. Cela permettra, à terme, de mieux mesurer la rentabilité des développements par exemple.

La préparation de dossier de demande de financements publics vous amène également à anticiper certains points sur le plan juridique. Cela concerne par exemple la manière dont vous avez utilisé les données ou la façon dont vous avez protégé votre innovation.

Enfin, travailler sur des projets innovants vous donne un caractère différenciant qui vous est propre. Celui-ci va forcément servir votre communication aussi bien en interne qu’en externe. L’idée étant de montrer vos avancés et mettre en avant votre image d’entreprise innovante auprès de vos clients ou prospects. Cela permettra de les fidéliser et de les faire participer d’une façon indirecte à faire avancer votre secteur d’activité en leur apportant le sentiment gratifiant de contribuer à développer de nouvelles solutions. Bien communiquer au sein même de votre entreprise est tout aussi important pour mobiliser les équipes ou encore légitimer les investissements auprès de la direction.

Les effets structurants des financements publics

 

Références
(1) AFNOR. (2014). Management de l’innovation – Guide de mise en œuvre d’une démarche de management de l’innovation (Indice de classement : X50-271). La Plaine Saint-Denis: AFNOR Editions.

(2) Dutta S., Narasimhan O. et Rajiv S. (2005), « Conceptualizing and Measuring Capabilities: Methodology and Empirical Application », Strategic Management Journal, vol. 26, n° 3, p. 277-285.

Coup d’oeil sur les nouveautés de la Loi de Finance pour 2022

Synonymes d’évolutions parfois importantes pour les TPE et PME innovantes, les nouveautés de la Loi de Finance 2022 appliquées depuis le 1er janvier apportent cette année des modifications intéressantes pour le Crédit Impôt Recherche, le Crédit Impôt Innovation et le statut Jeune Entreprise Innovante. Point du Jour vous récapitule les points essentiels.

 

JEI : Allongement de la durée du statut de Jeune Entreprise Innovante (art. 11)

Au 1er janvier 2022, la nouvelle Loi de Finance a fait passer la durée du statut de JEI de 8 à 11 ans. Cette prolongation s’applique aux entreprises créées à partir du 1er janvier 2014 et leur permettra de bénéficier d’exonérations en matière d’impôt sur les bénéfices, au titre des deux premiers exercices bénéficiaires, ainsi que d’un remboursement immédiat du CIR. Attention cependant, car cette mesure ne s’applique que dans le cas où l’entreprise n’a pas eu l’opportunité de les activer avant.

A noter que les impôts locaux et cotisations sociales ne sont pas concernés par ces changements.

 

CII : Aménagement et prorogation de deux ans du Crédit Impôt Innovation (art. 83)

Le principal changement concerne la prolongation du Crédit Impôt Innovation au moins jusqu’au 31 décembre 2024 (et non plus jusqu’au 31 décembre 2022 comme le prévoyait la Loi de Finance pour 2020). 

Autre nouveauté, les dépenses de fonctionnement (jusqu’alors fixées forfaitairement à 75 % des dotations aux amortissements et 43 % des dépenses de personnel) sont désormais exclues de l’assiette du CII. En contrepartie, les taux du CII sont majorés à compter du 1er janvier 2023, passant ainsi de 20 % à 30 % en métropole et de 40 % à 60 % dans les DOM (pas de changement pour la Corse). Le plafond des dépenses éligibles restant fixé à 400 000 €, le montant maximum du CII augmente donc dans les mêmes proportions, passant de 80 000 € à 120 000 € en métropole et de 160 000 € à 240 000 € dans les DOM.

Ces mesures s’appliqueront aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2023.

Effet de la Loi de Finance 2022 sur le calcul du CII

 

CIR : Création d’un crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative (art. 69)

C’est la grande nouveauté implémentée par la Loi de Finance 2022 pour les entreprises innovantes éligibles : la création d’un crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative (art. 244 quater B bis du CGI). Cette mesure de valorisation de la recherche collaborative a pour but d’inciter les partenariats public-privé.

Ce nouveau crédit d’impôt s’applique aux dépenses facturées par des organismes de recherche et de diffusion des connaissances (ORDC)(1) dans le cadre d’un contrat de collaboration conclu entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Ces organismes devront être agréés par le Ministère chargé de la Recherche et ne doivent pas entretenir de dépendance avec l’entreprise.

Ce nouveau dispositif compense, depuis le 1er janvier 2022, la fin du doublement des dépenses de recherche confiées à des organismes publics qui conduisait à un taux de 60% des dépenses engagées pour le CIR (prévu par la Loi de Finance 2021). 

Les dépenses sont désormais retenues dans la limite globale de 6M€ par an et le taux du crédit d’impôt récupérable est de 40% (50% pour les micro entreprises et PME).

Avant le début des travaux un contrat de collaboration entre les 2 parties doit avoir été conclu. Celui-ci se distingue du contrat de sous-traitance en mettant l’accent sur le partage de la gestion du projet et des résultats. Bien plus qu’un simple devis, ce contrat établit les conditions suivantes :

  • être conclu entre l’entreprise et l’ORDC avant le début des travaux ;
  • prévoir la facturation des dépenses de recherche à leur coût de revient ;
  • fixer l’objectif commun poursuivi, la répartition des travaux de recherche entre l’entreprise et les organismes de recherche et les modalités de partages des risques et des résultats. Les résultats, y compris les droits de propriété intellectuelle, ne peuvent être attribués en totalité à l’entreprise ;
  • prévoir que les dépenses facturées par les ORDC au titre des travaux de recherche ne pourront excéder 90% des dépenses totales exposées pour la réalisation des opérations prévues au contrat ;
  • prévoir que les organismes partenaires pourront publier les résultats de leurs propres recherches conduites dans le cadre de la collaboration.

Les travaux de recherche facturés par l’ORDC doivent également être localisés dans l’Union européenne ou l’espace économique européen, et doivent être réalisés directement par l’organisme agréé (sauf dérogation prévue dans le contrat de collaboration).

Ce nouveau crédit d’impôt pour la recherche collaborative bénéficie aux mêmes entreprises que celles visées par le Crédit Impôt Recherche. Par ailleurs, son fonctionnement et modalités d’utilisation étant similaires, si l’entreprise est déficitaire sur l’année concernée, il sera possible de demander un remboursement du CIR collaborative.

Il faut souligner que les entreprises ne peuvent pas, au titre des mêmes dépenses, bénéficier à la fois du crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative et du CIR. Il est possible de vérifier l’éligibilité par le biais d’un rescrit auprès de l’administration fiscale.

 

Pour échanger sur les effets de cette nouvelle Loi de Finance sur votre activité ou pour bénéficier d’un accompagnement personnalisé pour la déclaration de vos crédits d’impôts contactez-nous.

 

(1) « Structures publiques ou privées dont l’objectif premier est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités au moyen d’un enseignement, de publications ou de transferts de connaissances. » (Commission européenne, JO 2014/C198/01)

R&D : nouveautés sur la notion de sous-traitance

 

Les aménagements des lois de finances 2021 impliquent, entre autres, la mise à jour de la définition de la sous-traitance des organismes de recherche et intègrent d’importantes modifications dans sa prise en compte.

Nature des dépenses de prestation éligibles

Deux types de relation contractuelle entre le donneur d’ordre et le tiers sont définis : d’un côté la recherche contractuelle ou collaborative et de l’autre la prestation de service. La notion d’incertitude technique y est soulignée avec la mise en parallèle de « l’obligation de moyen » et « l’obligation de résultat », cette dernière ne relevant pas de la R&D.

Types de relation contractuelle entre le donneur d’ordre et le tiers

Cette nouvelle vision de la sous-traitance de travaux de recherche s’inscrit en cohérence avec la nouvelle définition des opérations de R&D disponibles dans le CGI. Celle-ci s’inscrit pleinement dans la définition du manuel de Frascati et ses 5 critères d’éligibilité, dont celui d’incertitude.

Le BOI apporte également deux précisions issues de jurisprudences sur la nature des activités sous-traitées valorisables.

La première est issue d’une jurisprudence qui considère éligible les dépenses relatives à des travaux techniques et scientifiques externalisées à des organismes ou experts agréés ne relevant pas d’opérations de R&D si et seulement si ces travaux sont indispensables à la bonne conduite d’une opération de R&D interne pour le donneur d’ordre.

La deuxième quant à elle concerne les organismes de recherche agréés qui doivent exclure du calcul de l’assiette éligible de leur propre CIR les dépenses réalisées pour le compte de tiers, et non les sommes encaissées dans le cadre de ces recherches sur contrat.

Agrément des prestataires

Plusieurs éléments concernant les agréments de prestataires ont également été modifiés.

On remarque premièrement qu’un passage important de la précédente version du BOI est supprimé. Celui-ci stipulait que, contrairement aux organismes ou experts privés, ceux de droit public ne nécessitaient pas d’agrément. Cela implique que désormais, à partir du 1er janvier 2022, toutes les dépenses externalisées de R&D devront être confiées à des experts ou organismes agréés sans distinction de leur caractère privé ou public.

De plus, des précisions sont ajoutées sur la manière de demander un agrément CII ou CIR. Cet ajout vient restreindre la capacité des organismes à prétendre à cet agrément en stipulant que « l’organisme ou l’expert » voulant obtenir un agrément, doit montrer qu’il est capable d’entreprendre des travaux de recherche scientifique et technique d’après une démarche qu’il a lui-même identifié.

« Cette condition vise à assurer aux entreprises qui ont recours à l’externalisation de leurs travaux de recherche la pertinence et la qualité des résultats obtenus, grâce au respect de la démarche scientifique propre à la recherche. ».

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2022 de nombreuses mesures seront mises en place :

  • Fin du doublement des dépenses de R&D pour les opérations confiées à des organismes de recherche publics agréés ;
  • Abaissement du plafond de dépenses confiées à des organismes de recherche publics à 10 M€ au lieu de 12 M€ ;
  • Nécessité pour tous les organismes de recherche publics, privés et experts d’avoir un agrément CIR pour voir les dépenses d’opérations de recherche qui leurs sont confiées être éligibles au CIR.

 Limitation de la prestation en cascade

Autre précision importante de cette nouvelle version du BOI : la limitation de la sous-traitance en cascade. Celle-ci devient possible si et seulement si un organisme ou expert de second rang est lui-même agréé. Cependant, si ces organismes de second rang sous-traitent une part des travaux, ces dépenses afférentes ne seront pas éligibles. Cette disposition impacte aussi, jusqu’au 31 décembre 202, les dépenses de R&D confiées à des organismes publics comptant pour le double de leur valeur. En effet seule la quote-part des dépenses réalisées par des organismes publics (sous-traitant de premier rang, ou sous-traitant de second rang) sont prises en compte pour le double de leur valeur.

Cas des sociétés agrées

Dans le prolongement d’une autre décision du Conseil d’État (CE 9-9-2020 – 440523), l’administration précise que les organismes qui réalisent des opérations de recherche pour le compte de tiers doivent exclure de la base de calcul de leur propre CIR les dépenses éligibles exposées pour la réalisation de ces opérations, et non déduire les sommes reçues du donneur d’ordre.

 

Conclusions

Concernant la valorisation des dépenses externalisées, la position de l’administration fiscale se rapproche de celle du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) : l’inéligibilité des dépenses de prestation en régie et ajout des notions d’obligation et de résultats.

Par ailleurs, l’obligation d’agrément pour les prestataires publics à partir du 1er janvier 2022 expose les donneurs d’ordre au risque de voir une partie de leurs prestataires publics ne pas procéder aux demandes d’agrément (sujet totalement nouveau pour eux). Cette mesure peut sembler contradictoire avec la volonté du Gouvernement de favoriser la collaboration public/privé au travers d’autres annonces.

Des précisions sont attendues concernant les modalités de dépôt des demandes d’agrément, notamment sur la nécessité de présenter ou non une opération de R&D pour justifier de la capacité de l’organisme public à conduire des projets de recherche.

 

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